C. Hermann: Lépreux et maladières dans l’ancien diocèse de Genève

Titel
Lépreux et maladières dans l’ancien diocèse de Genève du XIIIe au début du XVIe siècle.


Autor(en)
Hermann, Catherine
Reihe
Mémoires & documents de la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie 112
Erschienen
Chambéry 2009: Société savoisienne d’histoire et d’archéologie
Anzahl Seiten
167 S.
Preis
ISBN
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Mathieu Caesar

Inscrites dans le sillon des études sur la lèpre et la charité menées en France par Françoise Bériac, Daniel Le Blevec et, surtout, François-Olivier Touati, les recherches de Catherine Hermann nous amènent dans le monde complexe des léproseries de la fin du Moyen Age. Lépreux et maladières constitue un extrait – revu et complété – de la thèse de doctorat soutenue par l’auteure à l’Université de Savoie et consacrée à la problématique plus vaste de la charité et du réseau hospitalier dans l’ancien diocèse de Genève à la fin du Moyen Age.

Afin de mener à bien son enquête, Catherine Hermann a su exploiter de nombreux fonds d’archives dispersés entre la France, la Suisse et l’Italie. Elle a pu ainsi constituer un corpus documentaire très hétérogène comprenant testaments, registres fonciers, pouillés, registres des visites pastorales ou comptes de châtellenies, sans négliger d’abondantes données archéologiques. L’historienne démontre ainsi d’amples compétences dans le traitement de sources variées, sachant éviter les pièges que l’analyse de ces documents comporte.

Les deux premiers chapitres retracent les principales fondations et établissent une géographie faite de cinquante-neuf maladières pour un diocèse comptant 453 paroisses. Ce qui fait de Genève un cas tout à fait comparable aux régions de la France du Nord étudiées par Touati ou à celles du Bas-Rhône analysées par Le Blevec. Ici Catherine Hermann dépasse les limites de sa documentation en exploitant de manière intelligente et avertie (sans les suivre de manière aveugle) les nombreuses données toponymiques et, surtout, archéologiques. L’étude de l’implantation des maladières, dont la majorité se révèle être au coeur du tissu urbain ou villageois, permet à l’auteure de relativiser l’idée reçue des léproseries comme lieux de marginalisation et d’exclusion: si le lépreux est considéré aussi bien comme un malade dangereux que comme un pécheur, Catherine Hermann rappelle judicieusement qu’il reste un membre de la communauté envers lequel le «devoir de charité» doit être exercé et qui, comme tel, garde des liens importants avec le reste de la société.

Par la suite, l’historienne analyse la vie interne des maladières ainsi que les réformes dans leur gestion qui caractérisent surtout le milieu du XVe siècle. Soumise aux difficultés d’une documentation assez silencieuse quant au fonctionnement quotidien d’une léproserie, l’auteure arrive à surmonter ces obstacles et à nous en rendre un tableau très vivant. Catherine Hermann fait des léproseries le prisme à travers lequel lire et mesurer les changements sociaux et la crise qui affectent le diocèse de Genève au cours de la deuxième moitié du XVe siècle. Ici quelques points auraient mérité un approfondissement, notamment le rôle des autorités municipales dans la gestion des maladières. Si on ne peut que souscrire le fait que les pouvoirs civils, surtout dès le milieu du XVe siècle «voient leurs responsabilités sociales s’accroître et les préoccupations de santé publique se développer» (p. 83), l’idée que la mainmise des autorités communales sur les léproseries témoigne «du caractère social, plus que religieux, des problèmes posés par la pauvreté et la maladie à la fin du Moyen Age» (p. 75) est probablement à nuancer. Une volonté, de la part des autorités municipales, de contrôler de plus près les institutions ecclésiastiques et la vie religieuse de la ville, s’observe dans plusieurs domaines, qu’il s’agisse de la gestion des couvents mendiants ou du contrôle des prédicateurs, pour ne citer que deux exemples. Il nous semble donc que, dans ce cadre, le caractère religieux des maladières constitue un aspect à ne pas sous-estimer.

Le dernier chapitre, consacré aux revenus des maladières et à leur patrimoine foncier, permet de montrer, une fois de plus, que ces institutions ne sont nullement aux marges de la société. Bien au contraire. Par le biais de la vente de rentes, plusieurs établissements prêtent des sommes qui sont parfois loin d’être négligeables. L’auteure montre ainsi comment les léproseries jouent un rôle actif dans la mise en place d’un très complexe réseau de crédit rural et urbain. L’ouvrage est complété par un répertoire des maladières de l’ancien diocèse, faisant état des sources disponibles pour chaque établissement.

Catherine Hermann ne tombe pas dans le piège d’une histoire statique et se montre attentive aux évolutions. Cependant les changements importants qui affectent les léproseries au cours de la deuxième moitié du XVe siècle sont parfois un peu trop rapidement esquissés et mériteraient des explications plus détaillées. Une attention plus poussée envers les différences entre le monde des petites bourgades savoyardes et une réalité urbaine complexe comme celle de Genève aurait aussi été souhaitable. A vrai dire, la relative pauvreté des sources ne rend pas la tâche vraiment aisée.

L’ouvrage de Catherine Hermann est donc une très belle synthèse. Le choix de présenter une partie des résultats de sa thèse sous une forme allégée, fait de Léproseries et maladières un ouvrage accessible et à la lecture très agréable. Nous ne pouvons que souhaiter que l’auteur publie bientôt l’ensemble de sa thèse, fournissant ainsi une vision plus fine et nuancée des institutions charitables dans l’ancien diocèse de Genève.

Zitierweise:
Mathieu Caesar: Rezension zu: Catherine Hermann: Lépreux et maladières dans l’ancien diocèse de Genève du XIIIe au début du XVIe siècle. Chambéry, Société savoisienne d’histoire et d’archéologie, 2009. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Vol. 61 Nr. 2, 2011, S. 255-256

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Vol. 61 Nr. 2, 2011, S. 255-256

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